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Fragments simples de vie

Souvenirs de 2014

Priscilla Bittar, collaboratrice

Du haut des airs, de mon hublot,
j’aime déjà Sumba. L’île indoné-
sienne dévoile ses centaines de
petites montagnes triangulaires,
à l’infini dans le paysage, comme
presque autant de pyramides au
temps des pharaons. Elles se
serrent, flan à flan, étalent habi-
lement leurs contours, leurs
palmiers, leurs rares cours d’eau.

Il semble que Sumba soit une
des îles les plus pauvres du pays,
mais sur notre chemin nous
n’avons pas encore été témoins
de pauvreté et de misère. Peut-
être est-ce dû au fait que nous
venons d’atterrir… N’empêche,
je souhaite que ces informations tâte des fruits de la passion et en commence alors, nous devenons
soient périmées et que la situa- glisse quatre gros dans mon sac. les vedettes d’un film où les figu-
tion ait changé. Je lui demande : « Combien ? » rants changent continuellement
D’un geste de la main, elle signa- et se disputent le second rôle
Depuis notre arrivée à Waingapu, le que c’est un cadeau, que je n’ai auprès des stars que nous
plus grosse ville de l’île (50 000 plus rien à débourser. J’insiste un sommes. Ils sont beaux, si beaux
habitants), j’ai l’impression de peu, mais rien à faire, un cadeau ces jeunes qui trouvent encore
me retremper dans les Molu- est un cadeau, point. Nous du plaisir à venir à la rencontre
ques, un archipel à l’est du pays. sommes ébranlés par tant de d’étrangers, de curiosités, d’hur-
On n’y cause presque pas délicatesse… Chamboulement luberlus venus de si loin ...! À
anglais, pas l’ombre d’un touriste réussi : 10 sur 10 ! notre contact, leurs yeux s’em-
occidental ne foule son sol, les plissent de mille et une fantaisies
cartes de la ville sont aussi nom- Nous enfourchons alors chacun imaginées, mais surtout, emplis-
breuses que les cellules grises un « ojek » (moto) pour être sent les nôtres des plus belles
d’un manche à balai et les locaux conduits par un Indonésien dési- étoiles.
y sont d’une gentillesse si tou- reux de se faire quelques sous
chante qu’on en reste baba. en s’improvisant comme taxi. Le cinéma est bien plus émou-
Direction plage de Landolima où vant quand notre nom fait partie
Heure de la promenade. Je les familles aiment traînasser les du générique, même si le film est
m’arrête à un étal de fortune où fins de semaine. Rizières, pal- à petit budget, la rémunération
trônent quelques fruits exo- miers, stèles funéraires rappelant est mirobolante…
tiques, dont des anones, toutes Obélix et ses menhirs, bref, la
aguichantes et objets de convoi- route est chouette.
tise… Mes yeux pétillent d’envie.
La vendeuse, qui ne roule certai- Ça y est, on y est. Aussitôt les
nement pas sur l’or, me sourit, pieds au sol, les roucoulements
ses dents rouges bétel brillantes humains se font entendre, les
au soleil étouffant. Son timide « Hi Mister » pleuvent et les mains
fils, d’environ huit ans, sourit devant les bouches ricaneuses
aussi, baisse la tête tout en rele- nous annoncent que là, là,
vant ses grands yeux, ne voulant maintenant, un attroupement se
rien manquer du spectacle qu’on formera autour de nous. Une
lui sert, juste en étant là, en chair frondeuse casse la glace en se
et en os devant lui. dirigeant d’un pied ferme vers
mon conjoint. Elle lui fait signe
La marchande me tend des qu’elle veut une photo d’elle et
anones choisies avec soin et de lui, ensemble. Rires soutenus.
reçoit le petit montant de rou- Tapements de cuisse. Petits cris.
pies en échange. Les salamalecs Bon enfant, mon conjoint se
échangés, nous nous apprêtons prête au jeu, tout en se bidon-
à quitter. Mais elle me retient, nant un peu. La valse des photos

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