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Maman au CHSLD

                   Priscilla Bittar, collaboratrice

                   Ça y est, ma mère est en CHSLD depuis   dans l’aile des personnes gravement   homme bat la mesure sur la table en   leurs biens », a-t-il ajouté dans un
                   bientôt trois semaines. Dans une   atteintes d’Alzheimer, un étage plus   me fixant goulûment. Un autre, jeune,   souffle moqueur. Son ton n’était pas
                   chambre avec une gentille dame obèse   bas.                    me fait un sourire irrésistible. Au moins,   amer. Juste ironique. 
                   qui ne sort jamais de son lit et qui garde                     ses lèvres s’animent tandis que le reste
                   sa télé allumée à longueur de journée.   Il est toujours dans sa chaise, les yeux   de son corps a oublié comment se   Et puisque ce monsieur me fait des
                   Et puisqu’elle ne bouge pas de son lit,   fermés. En fait, il n’est pas dans sa   mouvoir. Son expression faciale est   signes, je me dirige vers lui en dansant.
                   elle fait ses besoins sur place. Les prépo-  chaise, mais plutôt dans sa tête. Il faut   invitante, ses yeux pétillent. Sa mère me   Il sourit bêtement, se lève lentement de
                   sées ne sont pas toujours libres au   le bousculer délicatement pour lui   fait signe d’approcher et m’informe   sa chaise et m’accompagne dans la
                   moment où cela se produit. Les odeurs   annoncer qu’on est là, pour qu’il réagis-  qu’il aimerait connaître mon nom.   danse. Il me dit qu’il dansait beaucoup
                   en profitent alors pour se libérer et   se un brin. Ses paupières s’ouvrent, sa   Priscilla, que je réponds. Allez savoir   quand il était jeune, qu’il aime ma façon
                   s’évaporer de la couche en fleurant le   main prend celle de ma mère quand je   pourquoi, il m’enveloppe alors de sa   de bouger, qu’il espère que je revien-
                   bon air printanier…            la lui présente. Elle semble heureuse,   satisfaction. Il est, c’est sûr, ravi à cet   drai le voir. Il connaît Antoine, l’ami de
                                                  elle le fixe. Ils s’échangent les politesses   instant précis. J’apprends qu’il est dans   notre famille, Antoine qui, je m’aper-
                   Heureusement, il y a quelques jours,   d’usage. Ça va ? Oui ça va. Et basta, c’est   l’établissement depuis 1984. Mon cœur   çois, a le pouding de ma mère en main,
                   maman a hérité d’une chambre indi-  terminé.                   fait un bond. Il va sortir de sa cage   en train de le déguster. Je tente de le lui
                   viduelle. Malheureusement, ce ne sera                          thoracique, c’est sûr ! Mais je le retiens   enlever, les microbes ne devraient pas
                   que temporaire, le temps que les   Aujourd’hui, presque toute l’aile est   et suggère au monsieur qu’il doit alors   circuler en CHSLD, me dis-je. Mais non,
                   rénovations de son aile attitrée soient   réunie au solarium parce que le bel   certainement être le doyen du CHSLD.   il rabat le pouding contre son torse et
                   terminées. Elle bénéficie d’un délai de   animateur de loisirs est présent.   Non, d’autres ont plus d’ancienneté.   me défend de le lui voler. De toute
                   grâce de deux mois, puis retournera   Certain-es résident-es en provenance   Je lui demande s’il est heureux là. Il   façon, il ne reste presque plus rien
                   dans une chambre avec la même dame   d’autres ailes sont également présent-  hoche la tête de gauche à droite. Je dois   dedans. 
                   qui embaume l’air allègrement, et gra-  es. C’est la fête ! D’ailleurs, devant   retenir mes larmes, ses traits faciaux
                   tuitement. Ce sera vraiment chouette   chaque mémoire évaporée, reposent   sont si vifs, si expressifs, sa tête s’ennuie   Après quelques chansons vieillottes
                   de retrouver une pure inconnue et de   des crottes de fromage, des chips ou   certainement ferme dans ce corps   mais entraînantes, c’est au tour de la
                   repartager tant d’intimité… !   un biscuit… Ma gourmande de mère a   paresseux !              danse des canards ! Je sors ma mère de
                                                  choisi le pouding au chocolat qu’elle                          la table où elle attendait sagement et
                   Mes sœurs et moi nous divisons le   savoure lentement.         Et voilà que le haut-parleur hurle un   salue mes nouveaux amis. Celui qui
                   temps en compagnie de maman. Pas                               rock and roll. Le monsieur assis à la   semble posséder ses souvenirs me
                   de façon égale, mais on se relaie. Hier,   La musique se démène, l’animateur   droite de maman, celui avec qui j’ai   sourit et m’invite chaleureusement à
                   c’était mon tour.              nous enseigne les gestes associés au   conversé en arrivant dans la salle - et   revenir. Il me montre sa main, quatre
                                                  maintenant classique « macarena ». Des   qui semble encore maitriser une bonne   doigts levés. Puis cinq. Chambre  45.
                   À part jouer aux cartes, maman n’a plus   membres du personnel et des béné-  partie de sa tête - ce monsieur m’inter-  Oui, oui, je vais tout faire pour revenir !
                   beaucoup d’intérêts. Elle dort plus   voles l’imitent. Je fais aller un bras,   pelle en gesticulant. Il m’a raconté plus
                   qu’avant et semble plus faible. Je   puis l’autre, en haut, en bas, puis mon   tôt que sa femme était partie avec tout   On me fait des signes de main. J’ai de
                   tente de la sortir de son aile de vieux,   bassin, comme montré. Une femme se   ce qu’il possédait. Je lui ai demandé s’il   nouveaux amis. De nouveau, j’ai l’attrait
                   difformes et abrutis par la maladie,   lève difficilement et savoure son   savait où elle se trouvait aujourd’hui.   de la jeunesse, moi, la vieille hors de ces
                   gémissant et criant parfois. Le fauteuil   moment avec le délicieux animateur   « Là où il y a un homme », a-t-il répondu.   murs. C’est sûr que je repasserai…
                   roulant m’emmène visiter Antoine, un   qui se tortille devant elle. Une autre   « Elle a été avec tous les hommes qu’elle
                   vieil ami de la famille qui se trouve   sourit à s’arracher la mâchoire. Un   a rencontrés et les a tous dépouillés de










                                                               Nouvelle administration





                                                               · Viande fraîche

                                                               · Charcuterie

                                                               · Gibier

                                                               · Poisson

                                                               · Plats préparés maison



























                         115-3, boul. Bromont, Bromont
                         laboucherielocale@gmail.com

                         laboucherielocale.com


                         450 919-1010





                                                                                                                                               7
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