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Le point sur la biométhanisation et GNR Shefford


                   François Gay, géologue, formateur et écologiste

                   À la suite de mon article sur la biométhanisation dans la   donnée par Éric Pineault, professeur au département de   plus prometteurs et la meilleure combinaison, selon les
                   dernière édition du journal  Ici Maintenant, nous avons   sociologie de l’UQUAM et président du comité scienti-  chercheurs, c’est la production de GNR à proximité d’une
                   reçu un message d’un OBNL récemment formé qui a   fique de l’Institut des sciences de l’environnement (ISE).   usine qui a absolument besoin de gaz pour atteindre
                   pour nom : Protégeons Shefford. Le but de cet organisme                            les températures nécessaires à son procédé. Même si
                   est de défendre la sécurité et le bien-être des citoyens de   Celui-ci met en doute l’image « verte » du gaz naturel   d’autres pays européens sont plus avancés dans ce
                   Shefford et de les outiller pour la défense de leurs droits.   renouvelable (GNR) mise de l’avant par le gouvernement   domaine, nos autorités doivent absolument avoir des
                                                            du Québec et Énergir.                     directives plus claires.
                   Un projet qui ne fait pas l’unanimité
                   Ce groupe me reprochait d’être un peu biaisé à propos   Voici les points saillants de la conférence :   Il faut se donner le temps de bien cerner les défis. Le
                   du projet GNR Shefford. Soulignons que j’ai eu des   Le gaz naturel renouvelable (GNR) est issu de la biomé-  travail de chercheurs comme l’équipe de M.  Pineault
                   échanges très constructifs avec un représentant de cet   thanisation de déchets organiques et du gaz naturel   peut nous aider à progresser.
                   OBNL afin d’expliquer ma position. Je lui ai alors men-  d’origine fossile. Je me permets d’ajouter que 20 % du
                   tionné, entre autres, que l’article rédigé en mars reposait   gaz naturel actuel provient des gaz de schistes où on   Je termine avec trois commentaires de chercheurs qui
                   sur l’information dont je disposais, à ce moment-là,   pratique la fracturation hydraulique (interdite au   ont participé à l’étude : « En date d’aujourd’hui, on n’a pas
                   laquelle avait été publiée par le promoteur. J’ai ajouté   Québec). On annonce que ce pourcentage atteindra   d’analyse du potentiel réel et désirable du GNR au
                   que je n’avais pris connaissance de l’étude du professeur   50 % en 2035, ce qui donne un avantage au GNR si on se   Québec, souligne Éric Pineault. Les études disponibles se
                   Éric Pineault que plus tard. Rendue publique à la fin   place au plan global.      limitent à évaluer le potentiel techno-économique en
                   février, cette étude mentionne que la production de GNR                            faisant abstraction des usages actuels de la biomasse
                   divise la communauté scientifique, comme je l’explique   Les gouvernements, fédéral et provincial, ainsi qu’Énergir   nécessaire pour produire le GNR et en ignorant les enjeux
                   plus tard dans cet article. M. Pineau n’a pas voulu en dire   — le distributeur de gaz au Québec — souhaitent déve-  environnementaux que soulève cette production. »
                   davantage sur le projet GNR Shefford.    lopper la biométhanisation et le GNR, au Québec, afin de
                                                            diminuer la production des GES et des résidus orga-  « La communauté scientifique est divisée par rapport à
                   Je ne veux pas pousser plus loin dans l’analyse du projet   niques qui se retrouvent aux sites d’enfouissement. Tout   la production de GNR, observe Éric Pineault. La plupart
                   GNR Shefford, car il y a trop d’éléments techniques et de   cela pour devenir éventuellement plus carboneutres…   du temps, la transformation de la biomasse est moins
                   données que je ne possède pas. De plus, cela ne fait pas                           avantageuse que d’autres usages plus locaux. »
                   partie de la ligne éditoriale du journal.   M. Pineault et son équipe ne remettent pas en cause le
                                                            principe de base, mais seulement la façon d’y parvenir.    Selon Marc Dionne  : « Il est impératif que le gouver-
                   Un organisme comme chien de garde                                                  nement du Québec se dote d’un plan d’acquisition des
                   Ajoutons que l’OBNL semble bien organisé et qu’il se   En effet, selon eux, si Énergir veut inclure jusqu’à 10 % de   connaissances manquantes concernant la filière GNR,
                   concentre sur le projet GNR Shefford afin de répondre   GNR dans le gaz, on risque de manquer de matière orga-  à défaut de quoi nous risquons de développer à grande
                   aux inquiétudes des résidents, notamment ceux qui   nique (biomasse). Cette situation entrainera la nécessité   échelle une industrie qui, au lieu de contribuer à la
                   habitent dans les environs du projet. Tout ceci avec les   (comme c’est déjà le cas) de construire des mégacentres   transition énergétique, nous en éloignera ».
                   moyens limités du bénévolat.             de biométhanisation qui, à cause des volumes exigés,
                                                            génère beaucoup de transport et d’activités, donc des   Pour ceux que ce sujet intéresse, voici un lien plus bas
                   Comme ce projet est une première dans notre région   GES. Ceci diminue donc la carboneutralité de l’opération.   pour lire la publication de l’UQAM.
                   et qu’il se situe dans un secteur particulier, il n’est pas
                   surprenant (et même normal) que ceux qui sont à   La crainte des chercheurs, c’est aussi que l’on utilise de la   Coïncidence
                   proximité se posent des questions. Il y a bien eu des   biomasse qui est déjà utilisée ailleurs, comme les   Énergir fait actuellement de la publicité afin de chauffer
                   sessions et présentations sous forme de portes ouvertes,   copeaux de bois pour les panneaux. Il faut aussi préserver   les maisons avec des GNR. Nous recevons un autre
                   à l’automne 2023, mais cela ne semble pas suffire.    le compostage moins couteux et très écologique.   message publicitaire télévisé du gouvernement qui
                                                                                                      nous encourage à envoyer nos déchets organiques au
                   Le 22 mai, j’ai été informé par Protégeons Shefford qu’ils   Le pire scénario, et je suis entièrement d’accord, serait   compostage avec son fameux slogan  : tout ce qui se
                   ont recueilli au moins 1500 signatures pour une pétition   que l’on utilise des terres agricoles pour cultiver des   mange est compostable.
                   contre le projet qui sera déposée avec avis juridique à la   plantes qui fourniront les usines de biométhanisation…
                   Municipalité. Pendant ce temps, le promoteur utilise tous                          Énergir veut utiliser les mêmes déchets organiques pour
                   les moyens dont il dispose pour défendre GNR Shefford.    M. Pineault a également parlé du marché des GNR et la   produire des GNR et chauffer nos maisons. Énergir
                                                            stratégie d’Énergir. Je n’en dirai pas plus à ce sujet, car   pourrait plagier le gouvernement et dire  : tout ce qui
                   Toujours selon Protégeons Shefford, il n’y a aucune   c’est assez complexe et cela nécessiterait de longues   se mange peut produire des GNR pour chauffer votre
                   acceptation sociale.                     explications. Je me permets de rappeler que quelqu’un   maison…
                                                            devra faire le choix entre le GNR et le gaz naturel qui
                   Le journal ne veut pas s’impliquer dans les débats, car   provient des gaz de schistes.   Un petit clin d’œil de ma part pour souligner que le dos-
                   ce n’est pas son rôle. Nous laissons cela aux parties                              sier n’est pas simple. J’ai comme l’impression que nous
                   prenantes.                               Pour ce qui est des résidus de la biométhanisation — le   entendrons parler de GNR maintenant et dans le futur…
                                                            fameux digestat — sa qualité dépend du produit traité et
                   Je ne peux que souhaiter que le promoteur soit à l’écoute   on doit être prudent dans son utilisation comme engrais.   Bon été à tous.
                   des opposants, car sans acceptation sociale, l’atmos-  Ce que je retiens essentiellement de cette conférence
                   phère risque d’être lourde et pénible pour tous…   très appropriée, c’est que la production de GNR par   Actualités UQAM
                                                            biométhanisation doit être mieux encadrée et qu’il faut   https://actualites.uqam.ca/2024/le-gaz-naturel-renouve-
                   La date de tombée pour mon article est le 27 mai et le   bien analyser chaque projet pour en définir les avantages   lable-pas-si…
                   journal sera publié le 14 juin 2024, d’ici là, la situation   et les inconvénients.
                   peut évoluer.                                                                      Le gaz naturel renouvelable, pas si vert que ça | UQAM
                                                            Est-ce mieux de traiter le lisier de porc que de l’épandre   WEB27 févr. 2024 · Une recherche réalisée sous la super-
                   La biométhanisation, pas si verte ?      directement sur le sol ?                  vision d’Éric  Pineault, professeur au Département de
                   Pour faire le point sur la biométhanisation, l’OBNL avait                          sociologie et président du comité scientifique de l’Institut
                   organisé avec succès, le 13 mai dernier, une conférence   Les petits projets locaux en mode circulaire semblent les   des sciences.








































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