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Le discours du papa d’Alice – conte de Noël
Isabelle Marissal, collaboratrice
_ Thomas ! _ Thomas, tu pourrais t’excuser quand même. _ Mais, maman… C’est pour les bébés, cette fête-là ! Thomas, rougissant, pointe son index sur sa
_ … Tu ne m’aides pas beaucoup, là, avec tes niaiseries. Je suis rendu trop grand pour aller là, maintenant. poitrine et regarde autour de lui pour voir si le père
_ Thoooomas… Va aider Emma à nettoyer ses bottes. Il reste seule- Julie regarde son fils d’un drôle d’air. d’Alice s’adresse bien à lui et ne s’est pas trompé
Thomas sort de sa rêverie, lorsqu’il entend la ment quelques déchets à ramasser. Je vais finir _ Ben voyons, Thomas ! On y va chaque année, tes de personne. Avec un sourire, il invite toujours
voyelle traînante que la voix de sa mère imprime toute seule. amis seront là et tu as dit à Alice, hier, que tu la Thomas à venir le rejoindre.
sur le « o » de son prénom. Avec une moue dédaigneuse, Emma répond à la verrais là-bas. En plus, on est presque arrivés ! _ Thomas, c’est bien toi que je veux voir en avant
Le petit garçon délaisse la bande sur laquelle il mère de Thomas : Il y a plein d’autos dans le stationnement et la avec ta mère.
était appuyé et rejoint sa mère qui l’appelle un peu _ Ça va être correct, Madame. Je vais m’arranger. musique de Noël s’entend dans les haut-parleurs.
plus loin, un sac de poubelle à la main, penchée Un mouvement et des cris dans les gradins plus La suite, Thomas ne s’en rappellera exactement
entre les sièges dans une rangée de bancs de bas, près du banc des joueurs du club local, les À peine entrée, Julie aperçoit deux amies qu’elle que plusieurs jours après. Et ça, parce que sa mère
l’aréna. forcent à se taire et à se tourner vers le panneau rejoint après avoir échangé un signe d’encourage- (avec son grand sourire et à travers ses larmes) et
_ Oui, maman. Je regardais le match. Louis faisait électronique indiquant le pointage. ment à son p’tit gars. Thomas remarque finalement ses amis le lui auront raconté.
une belle passe ! Alice crie alors en sautillant sur place : ses amis qui chahutent dans un coin de la caserne
Sa mère lui sourit et lui répond doucement : _ C’est ma sœur !! C’est Charlotte qui vient de et il glisse sur le plancher de ciment avec ses bottes Sur le moment, Thomas n’aura entendu que des
_ Je sais, Thomas. Je t’ai vu. Tu pourras y retourner compter un but !!! pour les rejoindre. mots éparpillés et dans le désordre : « Bravo ! »,
quand nous aurons fini de faire le tour des rangées. Les trois enfants déboulent les gradins et s’en vont « camp d’entraînement », « merci ! », « hockey »,
Tu sais qu’en ce moment, j’ai mal dans le dos et derrière le banc des joueurs de l’équipe locale. Les enfants repèrent rapidement la table dressée le « équipement », « poche », « inscription », « équipe
que j’ai besoin de toi pour m’aider à ramasser les long d’un mur vitré avec toutes sortes de grigno- mixte locale », « chèque »… Le reste n’était que
déchets sous les sièges. Thomas s’éloigne un peu et s’appuie sur la bande. tines et de friandises. Une fois encore, tous les bourdonnement dans ses oreilles et images en
Alice ne tarde pas à le rejoindre. Ils sont amis parents ont apporté des mets à partager et il y en vrac qui se superposaient aux mots « poche de
Thomas sait très bien que sa mère lui demande depuis la maternelle. Elle sait que son ami rêve de a pour tous les goûts. Thomas croise Alice qui lui hockey », « patins flambants neufs », « bâton »,
rarement de l’aider et qu’elle l’emmène avec elle à sauter sur la glace, mais que sa mère n’a pas les fait un signe de tête. Elle parle encore du beau Blitz « rondelle »…
l’aréna pour lui faire plaisir. Il se met au travail avec moyens de l’inscrire. Ils sont amis. Ils n’ont pas qui sent bon à ses amies !
une belle énergie pour vraiment l’aider. besoin de se parler. **************
La fête bat son plein et la piste de danse grouille
Thomas avance vite entre les bancs et ramasse les Julie n’a rien manqué de la scène. Elle sait de quoi d’adultes qui se déhanchent. Mais, en fait, le papa d’Alice avait prononcé les
déchets en les lançant dans le sac de poubelle avec Thomas lui parlera sur le trajet du retour et elle mots suivants :
de grands moulinets et en faisant des bruits de soupire. Tout d’un coup, un des officiers parmi les pompiers _ Julie, les membres de notre belle collectivité
moteur avec sa gorge et sa bouche. secoue une cloche pour obtenir le silence. Les désirent te remercier pour ta gentillesse toujours
Mais les choses ne se passent pas exactement enfants crient en même temps parce qu’ils vien- au rendez-vous, ta serviabilité, ta bonne humeur
Julie, sa mère, part à rire et lui demande ce qu’il comme Julie l’avait craint. nent d’apercevoir le charriot du père Noël arriver contagieuse et ton travail.
invente encore. dans le stationnement, tiré par deux gros chevaux
_ C’est quoi cette machine que tu imites, Thomas ? Ils rentrent à pied, comme d’habitude, mais cette belges qui agitent en cadence les grelots de leurs Thomas, ton amie Alice nous a parlé de ta gen-
_ C’est pas une machine, voyons, maman ! Je suis fois Alice choisit de faire le trajet avec eux, au lieu magnifiques attelages. tillesse aussi, de ton aide à tes amis et à ta maman,
un robot très puissant qui ramasse les déchets dix de rentrer en auto avec sa sœur et ses parents. Elle de ton sens de l’humour et de ton grand talent
fois plus vite qu’un humain !! sait de toute manière que sa sœur ne parlera que Durant quelques minutes, c’est un peu la cohue. Le d’imitateur de robot.
Julie sourit aux facéties de son fils et lui fait remar- de son exploit dans l’auto et ça la fait sourire. temps que le père Noël entre avec son gros sac de
quer que le sac est plein. cadeaux sur le dos, traverse la salle pour aller s’ins- Chaque année, avec les gens de notre collectivité
_ Donne-moi le sac, Thomas. Je vais aller le porter Les enfants marchent devant et Julie les écoute taller sur son trône, que la Fée des étoiles et et mes collègues, nous récoltons des dons pour
au bout de la rangée et rapporter un sac vide pour distraitement. quelques parents aident à sortir les présents pour une cause ou un organisme. Cette année, nous
finir de nettoyer les dernières allées. les placer sous l’immense sapin décoré qui touche avons choisi de donner ces fonds à ta maman et à
Mais Thomas lui fait une grimace comique et Si son Thomas ne rêve que de hockey, Alice se presque le plafond de la caserne et que les parents toi pour vous remercier.
réplique en prenant une voix saccadée et nasil- passionne pour les chevaux et elle pérore sur le réconfortent les plus petits qui ne sont pas très ras-
larde de robot : sujet en faisant mille cabrioles : surés par ce gros bonhomme rouge et blanc qui Julie, nous te remettons un chèque de 1 000 $ et
_ Non ! Ma/da/me Ju/lie. Tou/chez pas à mon sac. _ Thomas ! Il faut que tu viennes à l’écurie. Je te lance à la cantonade des Ho ! Ho ! Ho ! sonores. des cartes-cadeaux pour des soins de massage
Je suis pro/gram/mé pour vous met/tre de/dans, présenterai Blitz. C’est mon cheval préféré. Il est Le calme revient enfin et la distribution des pour ton dos.
si vous le pre/nez ! beau. Il est grand, grand, grand. Sa couleur est cadeaux aux enfants du village peut commencer.
En attrapant le sac avec un grand geste théâtral, comme du caramel et il sent bon. Ses naseaux sont Thomas, même si Alice t’a cassé les oreilles avec
Thomas renverse un gobelet de carton qui conte- tellement doux ! Il te laissera le caresser, tu sais. Thomas s’ennuie un peu. Il sait que tous auront un son beau Blitz qui sent bon, elle nous a aussi sou-
nait encore un peu de liqueur brune qui se répand Et bla, bla, bla… Alice ne reprend même pas son petit quelque chose, mais c’est toujours un peu vent parlé de ton rêve de jouer au hockey et de
sur le ciment en éclaboussant tout autour. souffle. pareil à chaque année et c’est long… Il ne s’est pas joindre l’équipe mixte locale.
Deux fillettes passent au même moment dans la Thomas réussit à placer un mot de temps en trompé. Il a reçu une carte-cadeau à échanger au
rangée plus bas et reçoivent quelques éclabous- temps. bar laitier l’été prochain et sa mère une belle boîte Et le papa d’Alice avait alors tiré une grosse poche
sures… _ Alice ! Tu ne vas quand même pas essayer de me de chocolats qu’elle partagera avec lui, comme de hockey de derrière le sapin pour la glisser
C’est Alice et sa copine Emma. faire croire que ton Blitz sent bon ! Un cheval, ça toujours… devant un Thomas complètement zombie !
Immédiatement, Emma se met à secouer ses sent l’écurie, c’est tout !
bottes et à se plaindre à voix haute : _ … La fête est presque finie. Il échange quelques sou- _ Et, comme je suis déjà le chauffeur privé de
_ Ben voyons, Thomas ! Tu peux pas faire attention !! _ Et puis, un cheval, c’est gros. Moi, ça me fait un pirs avec ses amis et s’apprête à rejoindre sa mère Charlotte, il me fera plaisir de vous conduire tous
Thomas lui répond avec sa voix de robot : peu peur… pour rentrer. C’est alors que le père d’Alice, le chef les deux dans les arénas, tant que vous aurez le
_ C’est pas Tho/mas. Je suis le ro/bot de l’a/ré/na. _ … des pompiers, demande le silence et se prépare à goût de jouer au hockey !
Je suis pro/gram/mé pour ra/ma/sser les dé/chets. Devant chez Alice, les enfants se saluent et se don- faire une annonce.
Mais je ne con/trô/le pas en/co/re tou/te ma nent rendez-vous le lendemain à la caserne des Thomas se rappelle aussi combien ses sentiments
for/ce… pompiers pour la fête des petits avec le père Noël. Thomas se rassoit en s’attendant à ce que le papa étaient mêlés, entre la gêne et le bonheur, lorsque
Alice part d’un grand éclat de rire haut perché. d’Alice fasse un discours. tout le monde dans la caserne a applaudi et sifflé.
_ T’es ben nono, Thomas ! ************** Et comment ses amis sont venus lui faire des acco-
Julie, qui a assisté à toute la scène, intervient en Mais le chef des pompiers le repère, assis sur sa lades comme s’il avait compté un but. Même Alice
grondant un peu Thomas, même si elle a aussi Thomas rechigne un peu en marchant avec sa chaise pliante et lui demande à lui, Thomas, et à a choisi de lui faire un petit signe de la main à
envie de rire : mère. sa mère, Julie, de venir le rejoindre en avant. l’autre bout de la salle, sans venir lui parler de Blitz.
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