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Familles fondatrices de Bromont
Ici Maintenantpoursuit sa série d’articles sur ces familles de pionniers qui ont façonné la jeune histoire bromon-
toise et continuent de l’honorer. Après avoir scruté l’histoire des Sanborn et des Brunelle, nous vous présentons la
famille Potvin, commerçants et entrepreneurs établis à Bromont depuis 1927. À vos souvenirs, pour l’avenir.
La famille Gince : notes champêtres et musicales
Lily Gaudreault, collaboratrice
⎯ M. Gince : Oublie pas que tu parles à un cultivateur, là : je peux pas faire d’entrevue aujourd’hui.
Faut que j’entaille pendant qu’il fait beau.
⎯ Ici Maintenant : Vous avez bien raison, j’attendrai un jour de pluie.
⎯ M. Gince : Viens donc mardi avant la brunante. J’aurai fini mon travail. Alice Pritchett et Gaétan Gince
L’attente en valait la peine : constellation de décorations et C’est à la ferme du chemin du Lac- que femme veut, dit Gaétan, en même au Vermont. Heureuse-
Gaétan Gince est au rendez-vous de lumières est un pur enchante- Gale qu’elle a donné naissance à jetant un œil amusé à Alice… » ment, il pouvait compter sur Alice
à l’heure dite au coin de sa galerie ment dès l’entrée du chemin du son deuxième fils Gaétan qui sui- Jadis, toutes les routes étaient et les enfants qui veillaient au
de bois, avec son sourire et Lac-Gale. vait les aînés Jean-Nil et Ghyslaine. fermées pendant l’hiver. Seuls le grain. « Mais quand je connaissais
sa bonne humeur légendaires. transporteur de lait et le postillon les mariés ou les familles, j’aimais
Derrière son épaule, surgit Alice Fermier un jour, fermier toujours Et la lumière fut y accédaient en traîneaux. Un soir bien l’accompagner, » glisse Alice
Fitchett, la femme qu’il a épousée Cette semaine, il y avait l’entaille Les moments déterminants de la de Noël, cette courageuse Ada en feuilletant les albums de pho-
il y a soixante-trois ans, aussi des érables, mais auparavant, il y a vie de M. Gince s’entremêlent à voulait aller à la messe de minuit tos. Plus tard, il a réuni une forma-
dynamique et souriante que son eu le déneigement, la coupe et le ceux de la ferme et de son envi- en auto. Elle insista tant et si bien tion avec ses fils, tous quatre
mari. Leur amour complice leur a rangement du bois, les foins, sans ronnement. Sa mémoire est vive que les grattes et les traîneaux musiciens. Par la suite, il a joué
donné huit enfants : quatre gar- oublier l’entretien de la machine- et sans faille : les dates, les faits et ont ouvert le chemin de Gaspé. en solo en s’accompagnant de
çons et quatre filles qui habitent rie : « Mais je suis habitué, j’ai tou- les noms défilent au gré des Les quatre années suivantes, le ses instruments : guitare et syn-
presque tous dans la région. Ils jours fait ça ! », dit-il en riant. « Mon histoires qu’il raconte. Notam- chasse-neige municipal a ouvert thétiseur.
ment, ses parents sont à l’origine le chemin pendant les fêtes.
d’un phénomène d’une impor- Finalement, le gouvernement a L’été dernier, M. Gince a livré une
tance primordiale : l’avènement assumé le déblaiement en 1951. prestation sidérante en plein air,
de l’électricité sur le rang où se Nouvelle victoire ! M. Gince rap- sur sa terrasse en bordure du
trouve la ferme Gince, jusqu’au lac pelle qu’il se rendait à pied à l’éco- chemin du Lac-Gale. Avec distan-
Bromont où il n’y avait à l’époque le. On s’attend à la traditionnelle ciation et masques de bon aloi,
que trois chalets. « En 1945, mon marche de cinq milles racontée la famille, le voisinage et les che-
père a fait signer une pétition à par bien des grands-parents. Mais vreuils ont eu droit à un répertoire
tous les fermiers du coin pour que non : à l’époque il y avait une des plus variés apprécié par
la compagnie d’électricité desser- école primaire tout près de chez toutes les générations présentes.
ve notre rang et les alentours, lui. L’enseignante le trouvait doué Qui a mieux comme voisin ?
comme le reste de West-Shefford. et lui a même offert de suivre sa
Ma mère en rêvait. » À l’époque, scolarité entière jusqu’au certificat Et maintenant
les anglophones ont hésité à — qu’il a obtenu à quatorze ans. Il Maintenant, le couple Gince a un
signer la pétition, car ils doutaient réussissait à faire ses études tout peu plus de temps pour se bala-
que la Southern Canada Power en travaillant à la ferme avec son der en motoneige sur les vallons
La ferme Gince donne suite à cette requête ! père : c’est le travail qu’il a choisi. de la ferme. Il ne possède plus
L’idée de céder un droit de passa- d’animaux et trouve les préda-
évoluent dans des domaines père est une force de la nature. ge sur leur terre ne leur souriait Musique aux champs teurs trop voraces pour entretenir
professionnels très variés tels que Encore aujourd’hui, il est difficile à guère. Certains ont même parié À l’adolescence, Gaétan et son un potager. Mais, Alice et Gaétan
la santé, les industries, les ser- suivre. Mais ma mère Alice est un contre le projet… et ils ont perdu ! frère se découvrent un talent pour perpétuent la tradition des sucres
vices ou l’informatique. La famille vrai modèle ! », dit Guylaine. Tout Une pétition supplémentaire et la musique. Ils suivent les cours de avec leurs enfants pour le plaisir
compte maintenant vingt-six jeune, M. Gince a labouré sans deux ans plus tard, Arthur et Ada madame Choinière, une profes- de travailler ensemble comme
petits-enfants et trente-six arriè- aide ses soixante-dix acres avec criaient victoire : « on a été brochés seure de Cowansville, en compa- autrefois. Ces derniers sont tous
re-petits-enfants. Guylaine, l’une une charrue uniquement tirée par en 1947, à la moderne comme gnie de la famille Labrecque, qui très attachés à la ferme et certains
des quatre filles du couple se un cheval. Autrefois, les Gince éle- au village », souligne M. Gince. habitait non loin de la ferme. d’entre eux continuent de donner
confie : « Nous avons vécu une vaient un troupeau de trente-trois L’expression broché provient du Gaétan développe son goût pour un coup de main pour les travaux :
enfance merveilleuse. Pour nous, vaches pour la crème, et d’autres fait qu’à l’époque, les fils étaient la guitare, alors que son frère il y a toujours à faire sur une terre.
cette ferme familiale était un sortes de bétail. Ils possédaient parfois fixés avec des broches, pratique le violon. Cette passion La question est presque inévi-
immense terrain de jeu. Nous y deux sucreries et procédaient à plutôt que passés à l’intérieur des ne l’a jamais quittée. Pendant 26 table : y a -t-il une relève ? « Pas
avons tous travaillé dès l’âge de 3 300 entailles par an, sans comp- murs : à la moderne. Comble de ans, Gaétan Gince a animé les vraiment ; certains de mes enfants
cinq ou six ans, à la mesure de ter un grand potager. En 1956, bonheur : la compagnie n’instal- mariages et soirées de danse (nos ont pensé se construire ici, mais
nos capacités. Nous avons appris M. Gince a racheté cette terre de lait pas de compteur, n’exigeant lecteurs se souviendront de la ça n’a pas été possible, pour des
à tout faire : le potager, le soin son père Arthur qui l’avait acquise qu’un tarif fixe à verser tous les salle Potvin). « Les fêtes s’étiraient raisons administratives. » Un ange
des animaux, les foins. » Quand en 1930. Il était lui-même agricul- deux mois, peu importe la jusqu’aux petites heures : je finis- et un nuage passent : « Moi, c’est
il y a des fêtes familiales chez teur par tradition, comme son consommation. sais de jouer juste à temps pour ici que je suis né, et c’est ici que je
Alice et Gaétan, l’assistance est propre père Philias. Son épouse faire le train chez nous. » Avec son veux mourir ! » Mais ce moment
à confondre avec celle des Ada, femme de tête selon M. Gince, Tracer la voie propre orchestre, Les gais copains, est bien loin d’arriver, bien plus
concours du Centre équestre voulait quitter la savane, comme Un autre défi a été relevé grâce à il est sollicité par toutes les villes loin que le bout de son champ ou
olympique voisin : il y a de la vie et ils appelaient la terre qu’ils déte- la ténacité d’Ada : le déblaiement de la région, les stations de ski, de la butte la plus haute et la plus
du plaisir à perte de vue. À Noël, la naient près de l’aéroport actuel. de la rue de Gaspé en hiver. « Ce l’hôtel Le Granbyen, le Castel et belle de sa terre.
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Ici Maintenant avril/mai 2021