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Nature d’Ici
                  La terre femme


                   Lily Gaudreault, collaboratrice

                  Nos  lecteurs  assidus  se  souvien-  lopper toutes les compétences à la  personnes qui travaillent fort, mais
                  dront  peut-être  que  nous  avons  fois : planifier, produire, administrer  sans stress. Les membres de l’équipe
                  traité  du  secteur  agroalimentaire  et servir la clientèle. Mais j’ai choisi  assument en rotation la routine des
                  bromontois  dans  nos  pages,  l’au-  de ne pas dépendre de la mécani-  repas et de l’entretien collectif des
                  tomne dernier. Il se trouve que près  que. » La jeune maraîchère rappelle  lieux. Tout le travail se fait à la main.
                  du  quart  des  gestionnaires  de  ces  que  dans  la  culture  autochtone,  « Pour les repas, nous sommes extrê-
                  entreprises  locales  sont  des  fem-  c’étaient  les  femmes  qui  devaient  mement  choyés  :  nous  avons  la
                  mes, à titre de dirigeante unique ou  nourrir leur peuple, sans machinerie.  chance  de  compter  sur  deux  per-
                  d’associée-propriétaire. Cela corres-  Ève  conseille  aux  personnes  que  sonnes qui sont en congé du restau-
                  pond  à  peu  près  au  pourcentage  l’agriculture  intéresse  de  faire  une  rant  montréalais  Joe  Beef »,  nous
                  des  femmes  propriétaires  et  expérience  pratique  auparavant  :  confie Michelle. Au maximum de sa
                  ouvrières agricoles au Québec. Dans  « La  théorie  c’est  bien,  mais  il  faut  capacité, la micro-ferme nourrit 65
                  la foulée d’une prise de parole mas-  penser  que  la  culture  maraîchère  familles  au  cours  de  la  saison,  en
                  sive des femmes ces derniers temps,  requiert  des  connaissances  scienti-  produisant  45  paniers  hebdoma-
                  Ici Maintenant consacre cet article à  fiques, en plus d’être un métier très  daires. Malgré la réussite et la longé-  Michelle Décary est fière de sa production de la Ferme Au petit boisé
                  trois femmes à la tête d’entreprises  exigeant physiquement. » Comment  vité  de  son  entreprise  et  de  plu-

                  maraîchères  locales  :  Ève  Monty-  voit-elle l’avenir ? « Je souhaite amé-  sieurs autres fermes de la région, la  culier.  Son  intérêt  académique  et  déplore que la rémunération ne soit
                  Tremblay de la Ferme de la colline  liorer ma qualité de vie sur la ferme  gestionnaire estime qu’il faut encore  sociologique  pour  l’agriculture  l’a  pas  encore  au  niveau  des  efforts
                  du  chêne,  Michelle  Décary  de  la  et parfaire mon modèle d’exploita-  valoriser  l’agriculture  et  les  fermes  d’abord  menée  à  s’impliquer  dans  déployés.  Et  pourtant,  comme  elle
                  micro-ferme  Au  Petit  boisé  et  tion. Dans quelques années, j’aime-  bio ou non, gérées par des femmes  les  regroupements  tels  que  La  via  le  souligne,  les  métiers  non  tradi-
                  Stéphanie Wang de la Ferme Rizen.  rais beaucoup faire de la formation  ou  non,  même  si  les  mentalités  campesina et l’Union paysanne. Les  tionnels  sont  généralement  mieux
                  Leur  succès  n’est  pas  venu  sans  pratique pour la relève. »    évoluent.  « J’ai  obtenu  de  l’aide  questions  de  la  souveraineté  ali-  payés  que  les  métiers  à  forte
                  effort  :  ce  sont  des  femmes  dyna-            financière, mais mon plan d’affaires  mentaire ou de la mise en marché  concentration  féminine.  Comme
                  miques,  autonomes  et  très  quali-  Quelques  kilomètres  plus  loin,  à  était  béton,  très  sérieux. »Selon  collective  des  producteurs  font  chef d’entreprise, elle est donc libre
                  fiées. Toutes  trois  pratiquent  l’agri-  Dunham,  la  micro-ferme  Au  petit  Michelle, formée en journalisme et  partie  des  thèmes  de  réflexion  de  d’assumer ses investissements et ses

                  culture biologique. Petit moment de  boisé célèbre sa onzième année de  en philosophie, ce modèle s’inscrit  Stéphanie. « Je me suis rendu comp-  propres décisions : « Je ne souhaite
                  réflexion sur la vie d’agricultrice.  production. La ferme se déploie sur  parfaitement dans l’esprit du déve-  te  que  la  meilleure  façon  de  faire  pas gérer le stress d’un gros volume.
                                           14  acres,  mais  ne  compte  qu’un  loppement  durable  :  « Nous  avons  avancer le mouvement de l’agricul-  C’est  pourquoi  ma  ferme  restera
                  Depuis quelques années, nous par-  demi-acre en culture maraîchère et  atteint notre vitesse de croisière et  ture  biologique  est  d’aller  à  pied  petite, pour préserver ma qualité de
                  lons régulièrement de la Ferme de la  un acre en forêt nourricière où pous-  mon projet se tient en soi. Il est un  d’œuvre,  en  travaillant  concrète-  vie. »  C’est  d’ailleurs  une  constante
                  colline du chêne à Bromont. Depuis  sent des arbres fruitiers, des petits  incubateur de fermiers et un lieu de  ment la terre. »  chez nos trois maraîchères interro-
                  deux  ans  maintenant,  c’est  Ève  fruits, des noix et des champignons.  partage  du  savoir.  Plusieurs  sta-  gées  :  l’agriculture  est  à  la  fois  un
                  Monty-Tremblay qui assume seule la  Déjà,  ce  paysage  fait  penser  à  un  giaires ont démarré leur projet agri-  Elle  assume  seule  la  gestion  et  la  choix de carrière et une recherche
                  coordination  de  cette  coopérative  conte de Grimm ; mais la gestionnai-  cole après leur passage ici. » Au petit  direction  de  son  entreprise,  mais  d’harmonie.  Stéphanie  réussit  à
                  de  solidarité,  bien  qu’elle  y  œuvre  re  de  l’entreprise,  Michelle  Décary,  boisé donne non seulement le goût  partage  certaines  responsabilités,  trouver  du  temps  pour  méditer,

                  depuis  huit  ans  maintenant.  On  a les deux pieds sur sa terre ferme  du travail agricole, mais aussi celui  des services, de même que l’utilisa-  admirer la nature et même d’y inclu-
                  peut donc dire que cette diplômée  et sait parler semis, désherbage et  de mener une vie équilibrée : « Cha-  tion d’équipement mécanique avec  re un peu de poésie ! Il n’y a pas de
                  de  l’Institut  agroalimentaire  de  cueillette de cassis. La micro-ferme,  cun est libre de trouver son design  la Ferme Stanislas Pettigrew. « C’est  plus jolie conclusion à cet article que
                  Saint-Hyacinthe  connaît  à  fond  c’est  son  projet  à  elle,  mais  elle  le  de vie. Chaque année, je me réenga-  un modèle qui a fait ses preuves, car  ce haïku, écrit par Stéphanie Wang :
                  l’agriculture  bio,  sa  terre  de  deux  partage pleinement avec sa famille  ge dans cette entreprise et je me dis  chacun de nous a ses propres habi-  « Like an old tree, Standing still under
                  acres et la population qu’elle nourrit.  et  une  succession  de  stagiaires,  que ça va de mieux en mieux. »    letés et secteurs d’excellence, et pas  the sky, Witnessing change. » Comme
                  Cette  fonction  lui  convient  totale-  d’apprentis et de clients locaux au fil  nécessairement en fonction du fait  un vieil arbre, Immobile sous le ciel,
                  ment  :  elle  a  toujours  voulu  créer  des ans. « Je dirige, mais je sais dis-  Près de Frelighsburg, Stéphanie Wang  qu’on soit homme ou femme. » Son  Observer le changement. » C’est ça
                  son propre emploi et avoir les cou-  cuter et lâcher prise au besoin, affir-  dirige la ferme Rizen. Sa spécialité :  désir  d’indépendance  l’a  destinée  aussi, la vie d’une fermière : agir et
                  dées franches. Au sein d’une coopé-  me-t-elle  d’emblée. »  Un  voyage  la  production  et  la  transformation  à  l’entrepreneuriat,  même  si  elle  contempler.
                  rative  de  solidarité,  elle  répond  à  initiatique en Inde effectué il y a des  de  légumes  asiatiques.  Née  au
                  un  conseil  d’administration  et,  en  années a imprimé les valeurs spiri-  Québec  de  parents  chinois,  elle
                  retour, elle bénéficie d’un fort sou-  tuelles  omniprésentes  à  la  ferme.  transporte  avec  fierté  son  riche
                  tien des membres de la coop. « J’ai  Les principes du respect de la natu-  bagage culturel dans sa production
                  fait  de  grands  changements,  dont  re  et  des  humains,  l’économie  des  maraîchère.  Sa  page  Facebook  en  633 Bonnes raisons
                  la démécanisation; la ferme me res-  ressources et la coopération guident  témoigne  avec  ses  nombreuses
                  semble davantage et correspond à  ceux  qui  vivent  Au  petit  boisé.  recettes alléchantes. « Notre région  de sortir...
                  ma vision d’une entreprise producti-  Michelle n’embauche pratiquement  et ses citoyens sont ouverts : je n’ai
                  ve et de taille modeste. » Donc, exit  que  des  woofers,  ces  travailleurs  pas constaté de résistance à ma cul-

                  le tracteur et place au matériel léger.  qui  offrent  leur  main-d’œuvre  en  ture ou à mes produits. » Formée en  Même masqué!
                  C’est en préparant une livraison de  échange du gite, du couvert et de la  sociologie  de  l’agriculture  à  l’Uni-
                  ses  250  paniers  hebdomadaires  formation. Elle estime que c’est une  versité  Concordia,  cette  polyglotte
                  qu’Ève  répond  à  nos  questions.  grande chance de pouvoir côtoyer  applique  dans  ses  champs  le  fruit
                  « En me retrouvant seule décideuse,  ces jeunes, allumés et curieux. Cette  des  observations  qu’elle  a  faites
                  mon plus grand défi a été de déve-  année, l’équipe est formée de quatre  autour du globe et en Asie en parti-
                                                                                                                    #129


                                                                                                    Pour les soirées musicales
                                                      Cours de guitare et voix
                     Cours de guitare et voix
                                                     (Cours virtuels disponibles aussi)                             #246
                                                     OBTENEZ 15%                                       Comédie Club du 633



                                                             DE RABAIS                                              #525

                                                         en vous inscrivant avant le                   Profiter des terrasses
                                                         21 SEPTEMBRE                                           couvertes

                                                         sur une session de 10 cours

                                                         Rencontre initiale d’accueil
                                                                GRATUITE
                                                         (available in English or French)


                                                    Inger Woest (ACE en chanson de L’école nationale
                                                    de la chanson de Granby, DEC en guitare classique
                                                        de Vincent d’Indy, B. en musique d‘UQAM)


                           Inger Woest, professeure  ingerwoest.com 450.534.1816                  633, rue Shefford, Bromont ·  450.534.0633

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