Page 17 - ici Maintenant Avril 2020

Artistes d’Ici

Lyse-Anne Roy : créer en conscience, dès la petite enfance

Isabelle Marissal, collaboratrice

Isabelle Marissal est une artiste mosaïste très active dans la région. Elle accompagne notam-
ment des projets de mosaïque collective dans les écoles et offre des cours à son atelier de
Stukely-Sud. L’équipe-école de Massey-Vanier a récemment fait appel à son expertise pour
e
marquer son 50 anniversaire. Cela, en accompagnant la réalisation d’une fresque géante de
80 pieds qui orne dorénavant sa façade ! Isabelle a déjà œuvré au sein de l’équipe du journal
Ici Maintenant, entre les années 1996 et 2001. Revenue dans la région, elle reprend avec un
immense plaisir la plume comme collaboratrice.

D’entrée de jeu, il suffit de reproduire parfaitement un la création la dernière fois. »
quelques mots échangés avec vaisseau spatial vu dans un film,
l’artiste bromontoise bien connue, plutôt que découvrir ce que leur Le projet ne manquait pas de
Lyse-Anne Roy, pour planter le imaginaire pourrait créer. » défis, puisqu’il fallait réaliser
décor de notre entretien : l’œuvre en quatre rencontres de
conscience, renouer avec sa Lyse-Anne Roy souligne que 40 minutes avec de tout jeunes
créativité, faire taire le cerveau son approche cherche à casser enfants! « Mon approche de la
gauche. un certain moule, lorsqu’elle création veut surtout permettre
enseigne. « Les enfants sont l’exploration. Et quand on explo-
« Les tout-petits se connectent presque toujours dans un re avec de la peinture, on doit se
beaucoup plus naturellement à contexte où on leur demande distancer de la préoccupation

leur imagination ! Dès 8-9 ans, de se concentrer. C’est le cas à d’éviter de se salir. Trop souvent, "Libres et Heureux" Acrylique sur bois 24 x 24
les enfants puisent davantage l’école, dans leurs activités les enfants sont tout fiers de me
dans une banque d’images sportives, lorsqu’ils font leurs dire qu’ils ne se sont pas trop « Lorsque j’enseigne, je veux que Au fil d’environ huit rencontres
accumulées, au lieu de laisser devoirs… Moi, ici, je leur deman- salis… alors que ça n’a rien à voir mes élèves dépassent les limites en mai-juin, le travail se traduira
s’exprimer ce qui viendrait de de plutôt de se déconcentrer, de avec la spontanéité de l’élan qu’ils croient avoir. Pour ça, je les sous forme de mots, d’esquisses
leur imaginaire. Surtout depuis lâcher prise. Les élèves ne savent créatif ! » invite à observer des reproduc- et de dessins. Le projet final
l’arrivée des écrans ! » pas comment faire. En six tions de grands maîtres. Je fais prendra forme au fil des ren-
séances, on va explorer ça ! » Beaucoup d’amour dans cha- aussi un peu d’histoire de l’art en contres à partir de ces éléments.

Depuis quelques années, de cun des cœurs discutant de certains courants Une exposition sera organisée
nombreuses villes et municipa- Projet pilote J’inviterai l’en- L’œuvre collective du projet artistiques ou de mouvements pour clôturer le projet et présen-
lités régionales de comtés (MRC) fance pilote J’inviterai l’enfance repré- de peinture avec mes élèves. Je ter l’œuvre collective au public.
se dotent de politiques cultu- L’artiste parle avec émotion de sentait une forêt. Plusieurs toiles, les convie alors à explorer ces Les participant-e-s pourront
relles. Nous tombons facilement son implication auprès d’une peintes au pochoir sur des sup- styles en les appliquant à leurs ainsi échanger avec ce public et
ports de bois et assemblées en dessins. Si j’ai l’impression qu’ils rehausser leur sentiment de
sections, symbolisaient la force se contentent de reproduire du fierté et d’estime de soi d’avoir
du travail collectif et l’entraide conventionnel ou du déjà vu, je contribué à l’œuvre.
qui avaient permis sa réalisation. leur pose des questions pour

L’artiste demandait aux enfants qu’ils cherchent leur inspiration Lyse-Anne Roy invite les entre-
de penser à mettre beaucoup dans des univers moins pro- preneur-e-s et les citoyen-ne-s
d’amour dans chacun des cœurs bables. Je les place aussi en intéressé-e-s à contribuer au
qu’ils coloraient au pochoir. situation de prise de risques, succès du projet en complétant
« C’était vraiment touchant de face à un résultat qu’ils pour- son financement par une contri-
les voir réagir parfois en donnant raient juger définitif… bution du milieu. Il faut en effet
des bisous à leur dessin pour le amasser un montant de 1 500 $
remplir d’une intention ! » Quand un ou une élève me dit : de commandites pour complé-

Je crois que c’est bien, là. Ça me ter la subvention. Elle invite les
Lyse-Anne Roy appuie sur le fait satisfait. Je n’y toucherais plus… commanditaires à communi-
que c’est une rare occasion, pour Pour moi, c’est justement un quer avec elle par courriel à
des petits, de pouvoir présenter argument de crainte de gâcher la lyseanneroy@gmail.com.
officiellement, lors d’un vernissa- toile que je les invite à dépasser. »
ge, le travail réalisé sur plusieurs Rêves de l’artiste
semaines. La présentation offi- Avec un petit sourire en coin, Lyse-Anne Roy ne donne le droit
cielle d’une création au public l’artiste me confie : « C’est moi le à personne de l’empêcher de
est l’aboutissement normal du professeur. Et c’est toujours moi rêver ! Entourées de ses toiles

processus. Et cet aboutissement qui ai le dernier mot ! Et il n’est en grand format sur les murs de
d’accord, Lyse-Anne Roy et moi, vingtaine d’élèves de la préma- est aussi important que les pas rare qu’un ou une de mes son atelier, nous abordons tout
sur la conviction profonde de ternelle au Jardin d’enfants de étapes traversées, autant pour élèves se mette à pleurer, s’il par- naturellement la question des
l’importance de la démarche afin Sutton, en 2019 : l’objectif du de jeunes enfants que pour des vient à dépasser ses craintes de rêves de l’artiste. Après plusieurs
de stimuler la création et l’éveil projet pilote. J’inviterai l’enfance artistes professionnels adultes. gâcher sa toile et arrive à un décennies de création et d’ac-
culturel de la petite enfance, vise à « éveiller les enfants à la résultat qui l’impressionne. » compagnement des élèves dans
socle d’une future société aux culture et à pousser leur créa- «La prématernelle est située tout ses cours, celle-ci mentionne :
élans créatifs bien vivants. tivité ». près de la galerie Arts Sutton et Médiation culturelle : Le bon- « J’aime ça, enseigner. Mais je
nous avons organisé un vrai heur, c’est quoi ? veux enseigner autrement ! »

Découvrir ce que leur imagi- L’artiste raconte qu’elle est allée vernissage avec la présentation Lyse-Anne Roy entamera bien- Pour y parvenir, l’artiste veut se
naire pourrait créer à la rencontre des enfants en se de l’œuvre collective créée par tôt un nouveau projet avec reconnecter à sa propre créa-
« Lorsque je travaille avec les présentant à eux comme lors- les enfants! Il y a une belle recon- la Maison de la famille de tivité. Et cet élan se nourrit du
enfants, c’est essentiel pour moi qu’elle travaille dans son atelier. naissance là-dedans. » Cowansville. Bénéficiant d’une désir de mailler des expériences
de les guider et de leur per- « J’ai l’habitude de mettre une subvention de 4 500 $ du Fonds comme le yoga, la méditation et
mettre de s’approcher, de recon- certaine musique d’ambiance Chercher leur inspiration dans en médiation culturelle de la danse à laquelle elle se
naître et de laisser exprimer ce qui invite au calme. Je porte des univers moins probables Cowansville, le projet Le bon- consacre plusieurs fois par
qu’ils sont. Explorer à partir du aussi toujours ma salopette L’artiste me convie alors à visiter heur, c’est quoi ? permettra des semaine.
dessin pour développer de l’esti- pleine de peinture. Cette espèce l’atelier où se déroulent ses cours. échanges verbaux et des tem-
me de soi. Sortir de la dimension de mise en scène permettait Les toiles et les dessins de ses pêtes d’idées en mode de com-
de la performance. Certains aux enfants de se recentrer et élèves sont partout, témoignant munication intergénérationnelle
enfants veulent trop souvent reprendre où nous avions laissé de l’évolution de leur travail. sur ce thème.

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