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Portrait d’Ici
                  Lyne Bessette
                  Vivre pour le sport

                   Lily Gaudreault, collaboratrice
                  Pour Lyne Bessette, il n’y a pas de vie avant ou après le sport professionnel. Il y a simplement la vie – extrêmement
                  sportive dans son cas. Du plus loin qu’elle se souvienne, elle aimait bouger rapidement. Qui d’autre pourrait appeler
                  son chien Vitesse ? Dans le village de Knowlton où elle est née, elle n’a pas tardé à battre filles et garçons à toutes les
                  épreuves de course. C’est l’amour du mouvement, une deuxième nature, qui l’a propulsée vers la course cycliste

                  professionnelle et la carrière que l’on connaît.                                                   Courir dans le plaisir.
                  Après les honneurs et les victoires, certains sportifs d’élite  la télé. J’ai vraiment besoin de bouger.  J’avais le goût de finir ma carrière sur une note positive. En
                  trouvent leur bonheur en bifurquant vers la politique, les                           2010,  on  m’a  proposé  l’expérience  en  tandem  dans  une
                  médias  ou  la  vie  de  famille.  Aujourd’hui,  quand  Lyne  IM : Est-ce que la popularité, l’attention médiatique vous  course paracycliste et de bonnes conditions de retour au
                  Bessette doit bifurquer, c’est qu’elle y est obligée en raison  manque ?             sport.  Je  n’avais  jamais  essayé  le  tandem,  et  mon  esprit
                  du parcours d’un sentier de vélo de montagne, d’une pente  LB : Non. J’ai apprécié la notoriété que les médias peuvent  compétitif est revenu. Heureusement, mon coach Éric Van
                  de ski ou d’un sommet abrupts ! Réel exemple de loyauté  apporter et j’ai gardé de bons souvenirs de plusieurs journa-  den Eynde m’a vraiment épaulée pour diminuer la pression.
                  envers son sport et envers sa région, c’est en Estrie qu’elle a  listes.  Mais  ce  n’est  pas  la  partie  la  plus  facile  du  travail.  Robbi Weldon et moi formions une bonne équipe et avons

                  choisi de vivre pour s’engager dans sa communauté et pro-  Pendant des années, j’ai été disponible auprès des médias  remporté ensemble plusieurs courses et des médailles d’or :
                  mouvoir le cyclisme. Elle traîne dans son sillage l’image de la  même dans les moments critiques. Aujourd’hui, je souhaite  mes objectifs étaient atteints. Ensuite, je suis partie sereine-
                  droiture, dans une discipline qui a été lourdement entachée  que cette popularité m’aide à faire avancer mon sport.  ment grâce à cette expérience très gratifiante.
                  par  le  dopage.  Comme  l’affirme  le  directeur  général  du
                  Centre  national  de  cyclisme  de  Bromont  (CNCB),  Nicolas                        IM : Êtes-vous également en paix avec l’affaire Geneviève
                  Legault : « Lyne, c’est notre inspiration au CNCB où elle est                        Jeanson ?
                  notre  ambassadrice  depuis  plusieurs  années.  Elle  nous                          LB : Oui, je le suis maintenant, avec la maturité des ans. Je
                  pousse à nous dépasser. » Le sport d’endurance est et sera                           suis  restée  longtemps  marquée  par  cette  histoire.  À
                  toujours son univers de prédilection : celui où elle trouve                          l’époque, j’ai eu des réactions très vives, mais c’est le passé,

                  ses amis, sa famille et ses plus grandes sources de plaisir.                         et je veux tourner la page. D’ailleurs, je lui ai écrit récemment
                  Maintenant dans la jeune quarantaine, elle s’abandonne à sa                          pour lui dire que je n’ai pas de rancœur. J’ai maintenant de la
                  passion du sport dans le pur bonheur, sans le terrible stress                        compassion pour elle. Je l’ai félicitée pour sa nouvelle vie et
                  de la compétition, en toute liberté. Nous vous présentons                            ses projets. Nous avons eu des discussions très amicales et
                  une femme en ébullition, sensible, et qui se mesure au plus                          comptons certainement nous revoir.
                  grand défi d’une vie : faire la paix avec le temps qui passe —
                  celui d’avant et celui qui vient.                                                    IM : Vous-même, avez-vous déjà senti de la pression pour
                                                                                                       prendre de la drogue, pour qu’on prenne le contrôle de
                                                             Une pause au bord d’un ruisseau pour Lyne Bessette et  ses chiens.
                  Entrevue avec un courant d’énergie contagieuse                                       votre vie ?
                                                                                                       LB : Non jamais. J’ai toujours eu une relation de confiance
                  Ici Maintenant (IM) : Qu’est-ce qui fait courir Lyne Bessette  IM : Avez-vous besoin de la motivation d’un groupe ou  avec  mon  entraineur  Éric  Van  den  Eynde  qui  me  laissait
                  aujourd’hui ?                              d’un entourage ?                          prendre mes décisions moi-même; il a toujours été de bon
                  Lyne Bessette (LB) : C’est ma grande liberté. En une même  LB : Pas vraiment, parce que j’ai toujours été solitaire, auto-  conseil et nous nous voyons encore régulièrement comme
                  journée,  je  peux  choisir  une  foule  d’activités  variées  :  ski  nome.  Auparavant, mon entraîneur me donnait une liste de  amis.
                  alpin, ski de randonnée, vélo de montagne. Ici, tout est à ma  consignes  et  je  communiquais  avec  lui  chaque  semaine,
                  portée, et je n’ai plus à me concentrer sur un seul sport. Je  quand j’avais effectué les exercices. Je n’ai pas besoin d’un  IM : Compte tenu de cette expérience positive, est-ce que
                  m’amuse à m’entraîner et à rester en forme, dans la mesure  groupe pour me motiver; moi au contraire, c’est un besoin et  le coaching vous intéresse ?

                  de mes capacités d’aujourd’hui.            un plaisir de m’entraîner.                LB : Pas vraiment, j’ai eu quelques expériences, mais ce n’est
                                                                                                       pas ce que je préfère. J’aime enseigner, mais les exigences et
                  IM : Vous fixez-vous des objectifs ?       IM : Mais en 2008, vous avez décidé de ralentir.   les interactions du coaching, beaucoup moins.
                  LB : Je n’ai rien à prouver, maintenant. Je n’ai plus ce même  LB : Oui, j’avais perdu la flamme. Je ne trouvais plus de sens
                  besoin de performer, même si je reste une personne com-  à la course professionnelle. Je dois dire aussi que dans le  IM : Dans l’immédiat, quels sont projets ?
                  pétitive. Je peux maintenant aller faire du sport avec une  monde de la course, le niveau de stress est très élevé — pour  LB : Je collabore bien sûr avec le Centre national de cyclisme
                  amie,  pour  le  simple  plaisir  de  l’accompagner.  Mais  si  je  la performance, pour le départ. C’est le facteur le plus diffi-  de Bromont pour son projet de développement : c’est une
                  participe à un défi, une course, c’est sûr que je vais mettre  cile à gérer dans cette carrière. J’ai même refusé de prendre  nécessité pour la communauté cycliste du Québec. En ce
                  tous les efforts nécessaires.              le départ à un certain championnat ! En y pensant mainte-  moment, j’organise des événements sportifs, dont les 100 à

                                                             nant, j’aurais aimé avoir plus d’aide pour contrôler ce trac  B7 : des parcours d’entraînement dans la région, en sentiers
                  IM : À quoi ressemble une journée type pour vous ?  immense, à l’époque.             ou en montagne. Je donne aussi des conférences et j’essaie
                  LB : Je me lève tôt et je fais au moins deux types d’activités                       de m’engager dans mon milieu.
                  différentes,  soit  environ  cinq  heures  d’activités  physiques  IM : Mais vous avez rebondi ?
                  par  jour.  Je  m’accorde  une  journée  de  réel  congé  par  LB : Oui, parce que le vide était trop grand, et que je n’ai  IM : Vous restera-t-il du temps libre ?
                  semaine ou par dix jours. Je n’écoute pratiquement jamais  jamais  pu  retrouver  quelque  chose  d’aussi  passionnant !  LB : Oui : tout ça, c’est ma liberté.














































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