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Les familles fondatrices de Bromont
Vous avez été nombreux à nous communiquer votre appréciation de l’article sur la famille Sanborn, ces éleveurs de vaches Guernsey
depuis quatre générations. Cela témoigne d’un réel intérêt pour la ville de Bromont, son patrimoine et surtout, les personnes qui ont bâti
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cette ville. Dans les prochaines éditions, Ici Maintenant consacrera donc une série d’articles sur ces familles fondatrices de Bromont, qui
ont façonné la jeune histoire bromontoise et continuent de l’honorer. À vos souvenirs, pour l’avenir.
Les Brunelle :
La sève bromontoise coule dans leurs veines
Spiritualité d’Ici
Lily Gaudreault, collaboratrice
Un long fil bleu relie les 153 membres de famille était très forte : je voulais apporter
la famille Brunelle de Bromont : ce sont ma contribution. En plus, je recherchais
les tubulures installées sur l’érablière une certaine qualité de vie et de l’espace
Brunelle, derrière la cabane à sucre fami- pour fonder ma propre famille » Positif à
liale. Ce fil représente aussi la sécurité Plantes d’Ici
l’égard des nombreux cousins et oncles
de savoir qu’à tout moment, chaque qu’il fréquente régulièrement il ajoute :
Brunelle peut suivre le fil et retourner « Nous sommes unis, mais différents.
dans l’heureux cocon familial. Peu im- C’est surtout sur les questions sociales ou
porte où on vit en 2020, on sait d’où l’on politiques qu’on perçoit les différences,
vient. pas dans le travail en groupe. » Le mot
travail revient souvent, que l’on s’adresse
N’eût été le naufrage de son camion- à Pierre, Jean, France, Lise ou Réal, que
remorque dans les eaux fluviales près de Amour d’Ici
séparent pourtant plusieurs décennies.
Bécancour, Fernando Brunelle n’aurait « Mes parents m’ont enseigné à être
jamais atterri à Bromont en 1953. Il aurait responsable, à avoir une éthique du
sans doute continué de faire la navette travail : de l’honnêteté et de l’autonomie
entre Trois-Rivières et Montréal, et serait et même des loisirs constructifs », affirme
resté à la tête de sa compagnie de Jean. Quand on ignore ce qu’est une
transport. grande famille, on peut se demander si
ce n’est pas un peu lourd de faire partie
d’un clan si serré et si nombreux. « La
Mais le sort — bon ou mauvais, on ne le Fernando Brunelle et Jeanne Bolduc entourés d’une partie de leur famille. Planète d’Ici
sait jamais qu’après coup — en a décidé famille, c’est une responsabilité, c’est
autrement. Ce fils de cultivateur s’est mis Mais au bout d’un certain temps, voilà Picard, propriétaire du restaurant Au pied un cadre, mais aussi énormément de
à la recherche d’une ferme et de terres que l’acquéreur ne peut plus poursuivre de cochon. soutien : c’est un cadeau », répond-il sans
cultivables pour y élever sa famille et l’exploitation. C’est à ce moment que la hésiter.
poursuivre la tradition. Le hasard a solidarité des Brunelle se manifeste haut Un engagement communautaire et
conduit Fernando et sa femme Jeanne et fort : l’ensemble des enfants et des générationnel Et l’avenir ?
Leduc à West Shefford. Ayant tout perdu, petits-enfants devenus grands rachètent Lorsque l’entreprise engendre des sur- Actuellement, il y a 44 membres de la
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sauf leur courage et leur détermination, la ferme et la transforment en entreprise plus financiers, ces derniers sont réinves- famille Brunelle qui vivent à plein temps
ils se sont voués au travail de la terre. à but non lucratif. La solidarité qui était tis dans deux fonctions principales : à Bromont, sans compter ceux qui vien-
Leur premier et principal capital était jusqu’alors une qualité de la famille d’abord l’entraide familiale : « Nous nent en toute occasion pour participer
alors constitué de leurs huit premiers devient un principe bel et bien ancré sommes tous égaux, dans la famille aux travaux collectifs : auto-construction,
enfants, et ils étaient surtout riches de dans un lieu et un projet collectif. autant que dans l’entreprise, affirme menuiserie, etc. Certains planifient un
cœur. Ensemble, ils ont ouvert les bras à Pierre Brunelle, mais il arrive que certains retour au bercail à court terme. Pendant
dix-neuf enfants au cours de leur vie C’est cet acte d’une grande noblesse qui d’entre nous aient besoin d’aide pour le temps des sucres, de février à avril, une
familiale et les ont toujours encouragés à a cimenté la famille et tous ses membres. diverses raisons, notamment pour pour- quarantaine de personnes travaillent
s’instruire. Ces enfants ont presque tous Et rapidement, tous et toutes ont mis la suivre leurs études. Nous sommes là pour chaque jour à l’érablière, à temps plein. Le
eu des familles nombreuses. Généreux, main à la pâte pour poursuivre la mission eux, car l’éducation est une priorité. » reste du temps, il n’est pas rare qu’une
les Brunelle n’hésitaient jamais à convier de Fernando et Jeanne et se mobiliser L’entreprise est chapeautée par un vingtaine d’entre eux se retrouvent à
amis et voisins à leur table. autour du projet de la terre et de l’éra- conseil d’administration. « Notre conseil l’érablière pour avancer un projet ou sim-
blière, même après le décès de leurs mène les choses rondement et sans plement pour le plaisir d’être ensemble.
L’érablière Brunelle que l’on connaît parents. Alors en 1999, la famille a accroc. Pour les grandes nouvelles ou les Les Brunelle s’illustrent dans plus d’un
aujourd’hui a démarré modestement, construit une cabane pouvant permettre réunions, nous avons un mode de com- secteur, dont la santé, le droit, le génie, la
s’intégrant aux multiples tâches fer- une expansion considérable des activités munications par palier générationnel : gestion, l’enseignement et nombre de
mières et agricoles ainsi qu’à l’élevage acéricoles. Oublions la petite cabane en on appelle les frères et sœurs qui com- métiers techniques et manuels. Autant
des animaux. Au départ, tout se faisait rondins d’antan et la bouilloire sur le muniquent ensuite avec leurs enfants et Jean le jeune que Pierre le sage vantent
à la main : les quelque 1 200 à 1 800 poêle à bois : il faut des installations ainsi de suite. » le dynamisme de leur famille : « Il y a
entailles, tout comme les récoltes et la professionnelles pour la production d’au- toujours de bonnes idées qui circulent,
production d’environ 300 gallons de jourd’hui. La même année, l’équipe du Et puis, il faut autofinancer l’entretien des dit Pierre, et il y a assez de monde pour y
sirop. Petits et grands contribuaient aux tonnerre a ajouté un pavillon familial installations collectives : machinerie, croire et convaincre les autres. » Pour sa
travaux selon leur capacité. Aujourd’hui, pour recevoir ces dizaines de parents et ébénisterie, cuisine et autres ateliers. part, Jean confirme que : « C’est parfois
certaines tâches sont mécanisées, heu- d’enfants, cuisiner pour tous et faire la Chacun ou chacune peut s’en servir pour intense : chacun a ses passions et son
reusement, car le nombre d’entailles est fête ! Pierre Brunelle rappelle les trois y réaliser des projets individuels, mais il y savoir-faire et entraine les autres : la
passé à plus de 22 000 et la production de règles qui ont présidé à la construction a toujours des cousines ou cousins, culture des légumes (ah ! les tomates !),
sirop joue entre 4 000 et 7 000 gallons. de ces bâtiments : se souvenir des oncles ou tantes pour proposer de l’aide. l’aménagement paysager ou d’autres
Une chose n’a pas changé : toute la parents, disposer d’assez d’espace pour Ce sont exclusivement des membres de projets deviennent contagieux ! »
famille contribue volontiers à la tâche. réunir toute la famille et garder l’entre- la famille qui forment la main-d’œuvre de
prise à but non lucratif. Des photos des l’érablière, et chaque individu peut exer- Pierre Brunelle ne voudrait pas nous quit-
Une érablière solidaire parents à tous les âges accueillent les visi- cer ses habiletés. À cet égard, il existe un ter sans mentionner un projet primordial
Homme de peu de mots, réservé, mais teurs dans le hall de la salle de réception. mode de mentorat informel entre les qui rejoint les valeurs inculquées par ses
toujours positif, Fernando a connu cer- Les souvenirs des réunions de famille générations. Jean Brunelle, par exemple, parents : la mise sur pied d’une fondation
tains coups durs, dont le pire a certaine- présidées par les parents et réunissant ingénieur en physique et détenteur vouée à l’éducation. « C’est une façon de
ment été la perte d’une enfant victime toutes les générations ornent les murs de d’une maîtrise en sciences des surfaces, redonner aux suivants, de s’engager
d’un accident à la ferme. Quelque temps la salle à manger. Près des cuisines, sont apprend la mécanique au contact de auprès de notre famille actuelle et des
après, un incendie a également ravagé exposés quelques objets anciens servant son oncle Michel Laporte : le mécanicien générations à venir, mais aussi dans la
l’écurie qui abritait les chevaux et du à la récolte du sirop : chalumeaux de officiel de la famille. Il se voit prendre la communauté bromontoise, dans un
matériel. Mais, comme le souligne Pierre toutes les époques et petits accessoires. relève en ce domaine un jour. De plus, en deuxième temps. Si quelqu’un est dans
Brunelle, porte-parole occasionnel de la Ils côtoient les certificats et distinctions travaillant en groupe, ce jeune trente- le besoin, nous on répond toujours :
famille : « Mon père et ma mère gardaient remportés par l’Érablière Brunelle aux naire s’est même découvert une passion présent ! » Et il serait tentant d’ajouter :
leurs soucis pour eux. Ils allaient de divers concours de qualité en acéri- pour la forge artisanale. « Après mes depuis longtemps !
l’avant. » Dans les années 1980, certaines culture, tel que le premier prix de la études, j’avais l’objectif professionnel
difficultés financières obligent le couple Commanderie de l’érable, « pour un sirop d’obtenir un emploi à Bromont dans ma
à vendre la majeure partie de la terre. d’exception », dixit le réputé chef Martin spécialité : la physique. L’attraction de la
décembre 2020 • janvier 2021 19